« Si Marmoutier est épargné par les malheurs de la guerre, nous nous engageons à honorer et a remercier la Vierge Marie en construisant une grotte de Lourdes ».
Ce vœu, prononcé par le chanoine Léon Schneider en 1940, fut exaucé et Marmoutier sortit indemne du deuxième conflit mondial.
Peu après la Libération, la communauté paroissiale se mit à la recherche d'un lieu se prêtant à la réalisation de cette promesse solennelle. Un emplacement, naturellement propice pour un tel aménagement, fut trouvé à l'entrée du Sindelsberg : le fond d'une ancienne carrière située dans la montée, entre la sortie du virage et les premières maisons. Mais après réflexion, le chanoine Schneider manifesta quelques réticences pour ce projet. Il craignait que la surface du parvis devant la grotte soit insuffisante pour recevoir un grand nombre de bancs et de fidèles. Il savait aussi que cette carrière était toujours hantée par le décès accidentel d'Anselme Rauner âgé de 23 ans, victime d'un terrible éboulement le 23 janvier 1826. « Hier, unter einem gewaltsamen Schütte von Steinen in dieser Steingrube ist der Ehr- und tugendsamen Jüngling Anselmus Rauner ein Raub des Todes geworden. Zu Sindelsberg den 19ten wintermon(at) 1826. Sein alter 23 Jahr » peut-on lire sur l'épitaphe du calvaire érigé à proximité en l'honneur du jeune homme. Le prélat qui appréhendait d'entacher le souvenir de ce drame, certes ancien, mais encore très présent dans la mémoire collective au Sindelsberg, finit par abandonner ce projet.
La solution définitive se profila au début des années 1950, grâce à la générosité d'une paroissienne, Madame Victoire Lamarche, qui fit don d'un terrain à la fabrique de l'église. Situé au pied de la colline, à l'angle des rue de Biegen et du Sindelsberg, en plus d'un accès très facile, il s'inscrivait dans une belle perspective champêtre. Les autorités civiles et religieuses donnèrent immédiatement leur consentement.
De nombreux bénévoles, ouvriers du bâtiment ou simples manœuvres, sous les ordres du maître-maçon Joseph Cromer, entreprirent, avec zèle et fierté, la construction d'une réplique de la grotte de Massabielle en moellons de grès façonnés sur place. Un autre maître, Joseph Rauner, tailleur de pierre de Biegen, sculpta l'autel.
La bénédiction du monument eût lieu le dimanche 28 août 1955 en présence d'une immense foule de fidèles. Venus de près et de loin, ils voulaient tous rendre hommage à la Vierge Marie et la remercier pour sa protection durant les années de guerre. Le temps fort de cette journée d'action de grâce fut atteint le soir avec la prière du rosaire, suivie de la procession aux flambeaux. L'assistance était si nombreuse que, lorsque la tête du cortège, après un demi-tour à la hauteur de l'ancien passage à niveau de Biegen, arriva de nouveau à la grotte, les derniers fidèles venaient à peine d'en partir. A l'instar des processions mariales de Lourdes, l'assemblée chantait en chœur, avec émotion et ferveur, le cantique « Ave Maria ». Les paroles des vingt strophes de ce chant de louange à la Vierge se lisaient sur le flambeau rétro- éclairé par la bougie que les participants tenaient à la main.
Pendant des années, tous les soirs du mois de mai on y récitait le chapelet et chaque fête mariale faisait l'objet d'une cérémonie somptueuse, toujours suivie d’une procession.
Mais ces pratiques finirent par s'estomper au fil des décennies. Aujourd'hui la grotte de Lourdes, toujours conservée dans son état d'origine et remarquablement entretenue par un groupe de bénévoles très dévoués, reste bien fréquentée, mais plutôt par des petits groupes de fidèles en quête de sérénité et de recueillement.
Paroisse Saint-Étienne de Marmoutier